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bouquine-bouquin
19 août 2017

La reine Ginga et comment les africains ont inventé le monde

La reine Ginga et comment les africains ont inventé le monde / José Eduardo Agualusa, trad. du portugais (Angola) par Danielle Schramm - Métaillié, 2017 - 236 p.- 236 p. ; 21 €     (emprunté à la bibli)

lareineGingaLa reine eut cette parole : "Plus grand est un roi, plus petit lui paraît le monde".

Au XVIIème siècle, Francisco José, jeune prêtre brésilien (métis indien-portugais), débarque à Luanda, Angola, et devient le secrétaire de la reine Ginga, reine du Dongo et de la Matamba. S'inspirant d'une histoire véridique, l'auteur nous livre un récit picaresque et guerrier. Le héros relate ses aventures, ses analyses, ses rencontres et comment il se retrouva maintes fois en fâcheuse posture dans ces contrées si convoitées et si sauvages. Il évoque la cruauté des envahisseurs, l'esclavage, le commerce des noirs, le pillage des richesses de cette terre d'Angola.

"La première fois que je la vis, Ginga regardait la mer. Elle était vêtue de riches pagnes et parée de beaux bijoux d'or autour du cou et de sonores malungas d'argent et de cuivre autour des bras et des chevilles. C'était une petite femme, maigre de chair et, en général, sans beaucoup de présence, n'eussent été la richesse de sa mise et l'importance de la cour composée de ses dames de compagnie et des hommes en armes qui l'entouraient.
Cela se passait au royaume du Sonho, ou Soyo, peut-être sur la même plage qui vers la fin du XVe siècle vit arriver Diogo Cão et les douze moines franciscains qui l'accompagnaient, à la rencontre de Mani-Soyo - le seigneur du Sonho. La même plage où Mani-Soyo se baigna dans les eaux du baptême, suivi par de nombreux autres nobles de sa cour. Ainsi, Notre Seigneur Jésus-Christ fit son entrée dans cette Éthiopie occidentale, trompant le père des ténèbres. Tout au moins, c'est ce que je croyais, alors.
Le matin où je vis Ginga pour la première fois, la mer était lisse et légère et si remplie de lumière qu'on aurait dit qu'à l'intérieur de ses eaux se levait un autre soleil. Les marins disent qu'une telle mer est sous la protection de Galena, l'une des néréides, ou sirènes, dont le nom en grec signifie calme lumineux, le calme de la mer inondée de soleil.
Cette lumière, jaillissant des eaux, demeure dans ma mémoire aussi vive que les premiers mots que j'échangeai avec Ginga.
Ginga me demanda, après les interminables paroles et gestes de courtoisie dont les habitants de ces contrées sont prodigues, bien plus que dans les capricieuses cours européennes, si je pensais qu'il y eût au monde des portes capables de fermer les chemins menant à la mer. Avant que j'eusse trouvé une réponse à une si étrange question, elle y répondit elle-même, en affirmant que non, il ne lui semblait pas qu'il fût possible de verrouiller les plages.
Dans les jours anciens, ajouta-t-elle, les Africains regardaient la mer et ce qu'ils voyaient c'était la fin. La mer était un mur, et non pas une route. A présent, les Africains regardent la mer et ils voient un chemin ouvert aux Portugais, mais qui leur est interdit. Dans l'avenir, m'assura-t-elle, cette mer sera une mer africaine. Le chemin par lequel les Africains inventeront le monde.
Tout cela me fut dit par Ginga dans sa langue, qui à cette époque m'était non seulement étrangère mais impossible, car c'était comme croire que deux ruisseaux puissent communiquer l'un avec l'autre juste par la rumeur naturelle de leur course. Un Nègre, pour ainsi dire du même pays que moi, du nom de Domingos Vaz, lui servait de truchement, ou de tandala, qui est le titre que l'on donne chez les Ambundus à ceux qui exercent cet office. Ce Domingos Vaz était un individu de commerce agréable, très porté sur des divertissements de toutes sortes, ce qui ne troublait nullement son jugement ni ne le gênait dans son métier. Quand il apprit que j'étais naturel du Pernambouc et que, comme lui-même, j'avais vécu les premières années de ma vie dans un engenho, ses façons devinrent à mon égard encore plus affables, et il m'offrit tout de suite son amitié." (p. 15-16)

J'ai bien aimé ce roman, vite lu et intéressant. C'était une époque bien cruelle !  Cependant, le titre est trompeur et mal choisi car on s'attend à l'histoire de cette reine alors qu'en fait c'est surtout le récit du prêtre et de ses tribulations.

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