L'art de perdre

L'art de perdre / Alice Zeniter - Flammarion, 2017 - 505 p. ; 22€       (bibli)

Cette saga familiale illustre le destin des harkis entre deux mondes et plusieurs guerres. Naïma, dont le grand-père a été obligé de quitter l'Algérie pour avoir fait le "mauvais choix" au mauvais moment, est née en France, sans véritable passé. Son père, Hamid, est très discret sur son enfance et sa grand-mère kabyle, Yema, ne parle pas le français. La vie va finalement lui permettre de renouer avec son histoire familiale manquante et de recréer un pont entre les deux côtés de la Méditerrannée.

J'ai bien aimé ce livre puissant et ses personnages très attachants. La première partie surtout qui nous entraîne dans l'histoire famililiale en Algérie puis en France (et l'accueil indigne réservé à  ces "français"). La seconde partie retrace le chemin inverse fait par Naïma, jeune femme en recherche de ses origines.

Les lycéens ont fait un bon choix !

page 466 :

"- La plupart des choses que les femmes ne font pas dans ce pays ne leur sont même pas interdites. Elles ont juste accepté l'idée qu'il ne fallait pas qu'elles le fassent. Tu as vu à Alger le nombre de terrasses où il n'y a que des hommes ? Ces bars ne sont pas interdits aux femmes, il n'y a rien pour le signaler et si j'y entre, le personnel ne me mettra pas dehors, pourtant aucune femme ne s'y installe. De même qu'aucune femme ne fume dans la rue - et ne parlons pas de l'alcool. Moi je dis que tant que la loi ne me défend pas les choses, je continuerai à les faires, dussé-je être la dernière Algérienne à boire une bière tête nue."

"- On ne peut pas résister à tout, hélas. Moi, je sais qu'ils ont en partie gagné parce qu'ils ont réussi à me mettre en tête que j'aurais préféré être un homme. J'ai détesté, détesté arriver à la puberté, je me souviens très bien. J'ai attrapé des seins à 13 ans et j'avais l'impression que c'était une maladie, ou un greffon fait sur mon corps pendant la nuit par un savant fou. Je m'étais endormie plate, encore un peu garçon, une sorte de double de  mon frère et je me suis réveillée bossue de partout, transformée en mère visiblement femme, violable, ou mariable, et puis molle, obligée de protéger ma poitrine des chocs, incapable de courir sans soutien-gorge. Quelques semaines après, j'ai eu mes règles et là, c'était la fin de tout. J'ai pleuré pendant des heures."

Comments

[Anne]

Beaucoup aimé ce livre passionnant et très bien écrit ; les origines, l'histoire d'une famille, l'Algérie et sa complexité ... en font un livre dense et fort à lire absolument .

[20-20]

Vraiment très fort, ce livre... Encore et toujours, l'histoire des origines, que l'on choisit de partager ou d'ignorer, voire de rejeter... Alice Zeniter en fait un texte très marquant...