L'ordre du jour

L'ordre du jour récit / Eric Vuillard - Actes Sud, 2017 - 150p. (prêté par Odile, merci !)

Ce court récit nous présente d'une façon spectaculaire, l'arrivée au pouvoir des nazis, grâce en partie aux petits arrangements et lâchetés qui mènent aux "catastrophes les plus hideuses".

Tout d'abord, il met en scène en février 1933, des industriels et banquiers qui mettent sans broncher la main à la poche à la demande de Goering pour financer le parti nazi allemand. « Ce moment unique de l’histoire patronale, une compromission inouïe avec les nazis, n’est rien d’autre pour les Krupp, les Opel, les Siemens, qu’un épisode assez ordinaire de la vie des affaires, une banale levée de fonds. Tous survivront au régime et financeront à l’avenir bien des partis à proportion de leur performance » écrit-il.

Ensuite, il nous raconte à sa manière mordante et ironique, l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne le 12 mars 1938. Les bruits des bottes, les disparitions et les suicides ainsi que les éructations de Hitler n'ont fait bouger aucun pays. Il dénonce ainsi « l’aspect poisseux des combinaisons et des impostures qui font l’histoire ».

L'ouvrage est très documenté et s'appuie des moments véridiques et inconnus pour dénoncer les lâchetés des "puissants" qui gouvernent le monde.

C'en est même comique par moments de bêtise et de lâcheté (les Panzers en panne, le dîner chez Chamberlain, premier ministre anglais) si ce n'était pas des millions de vies qui étaient en cause.

"Et ce qui étonne dans cette guerre (la Blitzkrieg), c'est la réussite inoui du culot, dont on doit retenir une chose : le monde cède au bluff. (page118)

"A cet instant, le commentateur, inspiré, nazille que les quatre chefs d'état, Daladier, Chamberlain, Mussolini et Hitler, animés d'une même volonté de paix posent pour la postérité. (...) Dans ce grand bric-à-brac de misère, où se préparent déjà les pires évènements, un respect mystérieux pour le mensonge domine. Les manoeuvres terrassent les faits ; et les déclarations de nos chefs d'état vont bientôt être emportées comme un toit de tôle par un orage de printemps". (p. 133)

La démonstration de Eric Vuillard est sans appel et fait froid dans le dos.

A lire !

Comments

[20-20]

150 pages ! Comment faire entrer autant en si peu ? Ce livre, un pur plaisir, d'une efficacité remarquable, comme en écho au film de Chaplin, "Le Dictateur"...

[Emma]

superbe livre qui nous révéle le ridicule que peut nous paraitre le début de cette aventure hitlérienne qui va finir dans l´horreur.

Aussi nous voyons la mentalité des grands groupes industriels, valable aussi aujourd´hui avec les lobbies......

En fait, entre clownesque et ambition, rien n´a changé et ce court récit nous interpelle.

Brillant car nous donne à réfléchir.