Le silence de la mer

Le silence de la mer et autres récits / Vercors - Albin Michel, 1951

Je pourrais parler de ces 7 nouvelles, toutes empruntes de la même dignité, de la même lucidité, du même désespoir et néammoins de la même foi et du même amour.

Il y a cette famille française qui doit accueillir un officier allemand dans leur maison. Leur seule arme est le silence.*

Il y a "la Marche à l'étoile", un autre récit de ce recueil, tout autant bouleversant. Un jeune homme, Thomas Muriz, quitte Presbourg (maintenant Bratislava, Slovaquie), à pied, pour rejoindre Paris dont il est amoureux. Il finira digne et trahi par cette France qu'il aimait tant.* Cette nouvelle est largement inspirée d'évènements biographiques.

J'avais déjà lu ce livre, il y a longtemps mais peut-être que je n'avais lu que "le silence de la mer" dont je gardais un fort souvenir.

Jean Brulier (1902-1991) choisit de signer ses oeuvres de son nom de guerre, Vercors. C'est un résistant et homme engagé. Il dénonce l'absurdité de la guerre, la bassesse de certains et le grand courage, souvent modeste, de beaucoup d'autres. Le silence de la mer est également le premier ouvrage édité clandestinement par les Editions de Minuit) en 1942.

Vercors dédie Le Silence de la mer « à la mémoire de Saint-Paul-Roux, poète assassiné » ; en effet, Saint-Pol-Roux est aussi un vieil homme qui meurt de chagrin en 1940 quand son manoir contenant tous ses textes inédits est pillé, peu après qu'un soldat allemand a violé sa servante et blessé sa fille, qui s'était interposée entre le poète et le soldat.

*"Mais moi qui étais assis dans mon fauteuil profond et avais le visage à hauteur de sa main gauche, je voyais cette main, mes yeux furent saisis par cette main et y demeurèrent comme enchaînés, à cause du spectacle pathétique qu'elle me donnait et qui démentait pathétiquement toute l'attitude de l'homme...
J'appris ce jour-là qu'une main peut, pour qui sait l'observer, refléter les émotions aussi bien qu'un visage, − aussi bien et mieux qu'un visage car elle échappe davantage au contrôle de la volonté. Et les doigts de cette main-là se tendaient et se pliaient, se pressaient et s'accrochaient, se livraient à la plus intense mimique tandis que le visage et tout le corps demeuraient immobiles et compassés."

*"(...) Peut-être que je ne pourrai plus, jamais, penser à la France avec la joie pure de jadis.  (...) Et pourtant, je le sais aussi, cela ne troublera guère nos importants, - tous ces habiles qui ont les deux pieds sur la terre et toisent la grandeur d'une nation à la mesure de ses profits. (...). Ils me donneront encore des leçons de patriotisme. Que répondrai-je ? Ils sont plus forts que moi, ils me fermeront la bouche."

(Une plaque à la mémoire de Vercors et des Éditions de Minuit a été posée en 1992 sur le Pont des Arts, à Paris, par le Secrétariat d'État aux anciens combattants, en souvenir des exemplaires clandestins qui s'échangeaient sur ce pont sous l'Occupation).

A relire et lire !!

Comments

[Anne]

Un classique, à lire et relire bien sûr . C'est court mais dense et fort .