La nuit des pères

La nuit des pères / Gaëlle Josse - Notabilia, 2022 - 172 p. ; 16€             (bibli)

"Tu ne seras jamais aimée de personne"
"Tu vas rater ta vie"
Comment se construire sur de telles injonctions ? Quel autre choix que de couper les ponts et mettre de la distance, même si celui qui a proféré ces sentences est l'auteur de vos jours ?"

Une famille, trois personnages, trois voix, trois vies. Isabelle est une femme qui explore les fonds marins, loin des sommets des Alpes, sa terre natale et loin de son père qui n'a pas su l'aimer. (Sa mère est morte). Elle a coupé les ponts depuis fort longtemps mais elle décide cependant de retourner au pays quand son frère lui apprend que leur père commence à perdre la mémoire.

Pendant la première partie du récit, c'est la fille qui est la narratrice. Elle raconte sa vie, ce père incompréhensible, ses colères, son indifférence glaciale qui ont rendu sa vie d'enfant insécure. Ensuite, le père, avant de tout oublier,  raconte à ses deux enfants, un épisode de sa vie qui l'a marqué à jamais et qui explique ses randonnées/fuites en haute montagne (il est guide), son incapacité à aimer. Dans la troisième partie, c'est le frère, Olivier, qui intervient pour clore cette histoire. Une histoire de famille qui rejoint douloureusement l'histoire de France et de tant d'autres.

Récit fragile, intense, plein de douleurs, d'amours perdus et aussi d'espoir. J'ai beaucoup aimé ! Très belle plume. A lire si comme moi vous aimez cette autrice !

(...) " Voilà où j'en suis. Et toi mon père qui avance à pas lents vers les ombres qui vont t'ensevelir vivant, où en es-tu ? Je m'aperçois que je ne te connais pas. Je me sens perdue moi aussi. Chacun dans sa pénombre. La tienne me fait une peine infinie. Je ne m'attendais pas à éprouver cela. Que puis-je faire pour te retenir parmi nous ? "

"Face à nous, le soleil se levait, éclairant peu à peu l'espace, repoussant la nuit. L'aurore aux doigts de rose, a-t-il murmuré, la voici. Autour de nous, de l'or et du rose, en longs filaments lumineux. Tu vois nous renaissons chaque jour".

"Maman, impératrice des écorchures soignées et des beignets aux pommes, maman raconteuse de Roule galette et de Boucle d'or, chuchotés à l'orée du sommeil, tu es là, avec nous, bien plus que sur cette photo installée sur la cheminée, avec son cadre argenté, avec mise en plis et rouge à lèvres exprès pour la photo. Bien présenter toujours. Sourire, toujours. Se tenir. La peau si fine de tes bras dévorés de tâches de son. Ai-je connu plus grande douceur ? ".