Ton absence n'est que ténèbres

Ton absence n'est que ténèbres / Jon Kalman Stefànsson (trad. de l'islandais par Eric Boury) - Grasset, 2022 - 596 p. ; 25€     (bibli)

Impossible de raconter une histoire pareille ! En prenant prétexte d'un personnage amnésique, l'auteur nous retrace la vie de quelques personnages vivant à des époques différentes dans un endroit reculé des fjords de l'Ouest de l'Islande.  Les récits se croisent, se répondent et s'entremêlent pour nous donner une fresque puissante, un coeur antique, sur les raisons de vivre et d'aimer.

Ne pas se laisser rebuter !! Au début on ne comprend pas vraiment, il faut lâcher prise et se laisser porter par ces personnages magnifiques et la ronde des générations !

Le style est superbe, empreint de poésie, lyrique, la construction est très maîtrisée. On a envie de s'arrêter sur certaines phrases pour les déguster encore et encore. La nature sauvage, immense, indifférente, est présente à chaque instant. Un fond musical de choix (Dylan, Cohen..) accompagne le texte, faisant eccho aux sentiments des protagonistes. C'est une ode à la vie, rude et belle.

"Il faut beaucoup d'efforts pour demander de l'aide."

"Mais peut-être sont-ce les erreurs qui remettent la vie en ordre."

"Quelle merveille d'être jeune et d'avoir de beaux rêves, nous caressons tant de projets, puis la vie se charge de nous mater."

"Lorsqu’elle sourit, il se passe des choses que je ne comprends pas."

« Même en plein soleil nous abritons en nous des vallées de ténèbres. Est-ce le prix à payer pour être humain ? Peut-être ».

"C'est ainsi, nous avons nos moments quele bonheur bénit, puis la joie disparaît, elle se change en passé, en passé qui ne revient jamais. Et la mélancolie est notre souvenir des bonheurs disparus."

"Mais toute chose finit par mourir et là, il est trop tard pour espérer être heureux. En revanche, on peut toujours faire quelques crêpes. Les temps ne sont vraiment délétères qu’à partir du moment où on ne peut plus se consoler et consoler les autres avec de bonnes crêpes tièdes. Même s’il ne faut pas non plus oublier que celui qui n’a jamais été blessé par l’amour ne connaît pas la vie. On peut même dire qu’il n’a pas vécu."
(page 258)

Considéré comme l'un des plus grands écrivains contemporains, le style de Jón Kalman Stefansson (né en 63 à Reykjavik) est éblouissant. Conteur hors pair, ses romans sont saturés de poésie et parsemés de philosophie. J'en ai lu beaucoup et c'est toujours un régal de poésie et d'intelligence.

Un bijou puissant ! A lire !!

Comments

[Anne]

Superbe ! Je partage tout à fait l'avis de Betty ; même si j'ai été parfois perdue (que de personnages et d'époques différentes !) j'ai beaucoup aimé et l'écriture si belle et la poésie et la philosophie sur l'existence et les portraits et la nature ... A lire !