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bouquine-bouquin
2 octobre 2018

Lèvres de pierre

Lèvres de pierre / Nancy Huston - Actes Sud, 2018 - 229 p. ; 19.80€      (bibli)

LèvresdepierreRoman que j'ai dévoré, même si au début le parallèle entre les 2 personnages me semblait  gonflé. Ces deux vies (enfance-jeune adulte) qui ont comme seuls points communs l'époque et des convictions "extrémistes" (pas de la même intensité), visent à décortiquer comment on se forge une apparence hermétique, un masque pour survivre, derrière lequel coule un feu dévorant de douleurs, d'humilations et de compromissions. L'auteur a quasiment le même âge que moi, sa jeunesse se déroule en même temps que la mienne (années 1970), je me suis donc sentie doublement concernée par son histoire et les problèmes politiques de l'époque.

4ème de couv : Au Cambodge, tout le monde sourit. Les habitants comme leurs bouddhas de pierre. Un sourire aussi impénétrable qu’indélébile, masque qui protège plus qu’il ne projette et qui, rapporté à l’histoire violente du pays, produit chez le visiteur un vertige singulier, lui tend un troublant miroir. C’est ce vertige, ce trouble qu’explore Nancy Huston en questionnant les correspondances improbables qui lient pour­tant intimement son propre parcours à celui d’un certain Saloth Sâr, garçon cambodgien aux mues douloureuses, à l’identité assaillie, avant qu’il ne devienne… Pol Pot.
D’abord Nancy Huston s’adresse à cet Homme nuit pour retracer les étapes et les cicatrices de la fabrique d’un monstre, de l’enfance rurale à la formation militante parisienne où Sâr épouse le communisme, comme si la liturgie marxiste venait combler le manque laissé par l’arrachement au monas­tère bouddhique.
Puis elle se retourne sur son passé de Mad Girl, cette toute jeune Canadienne aux prises avec la légèreté dévastatrice des hommes, que son initiation intellectuelle mènera, des années plus tard, dans ce même sillage, ce même Paris effer­vescent et radical.
Apparaissent alors les échos entre deux tentatives de résis­tance par la disparition, le défi souriant à la douleur, par un effacement de soi qui précipite une exposition aussi paradoxale qu’absolue.
Livre de lucidité et d’intuition mêlées, Lèvres de pierre laisse au lecteur la saisissante sensation de se tenir au plus près du pouvoir des hasards qui façonnent les chemins de la création et de la destruction, les pages sanglantes de la fic­tion comme celles de l’histoire.

 p.220 : le père : ..." Que s'est-il passé ? Pourquoi es-tu si dure et si fermée ? De quelle façon ai-je contribué, malgré moi, à fabriquer une féministe amère et vengeresse ?".... "Après une pause,Dorrit répond à son père par une lista, une sorte de mille tre. Par exemple, lui dit-elle, cet homme-là m'a, une nuit, massacré le visage. Par exemple, peu importe le type d'éducation dont j'ai bénéficié, quand je marche seule dans une ville, je suis la proie des remarques et gestes obcènes d'hommes de tous âges et de toutes les couleurs. Par exemple, si je m'arrête un instant à un carrefour, on m'abordera en me demandant le prix de mon corps. Par exemple, aujourd'hui encore, les hommes qui tombent amoureux de moi vivent mon indépendance intellectuelle et économique comme une menace. Par exemple, j'ai enduré des repas sans nombre à écouter des hommes dont les acrobaties verbales m'empêchaient d'en placer une, au risque de perturber leur équilibre sur la corde raide de la concurrence virile. La question est plutôt : sauf à être une sainte, ce que je ne suis pas, comment ne pas en venir à haïr tous les hommes ?"

Ecoutez l'auteur nous parler de son livre (you tube):

 

J'aime beaucoup cet auteur, j'ai lu pas mal de ses romans, toujours avec plaisir. Allez-y si vous ne la connaissez pas ! (Lignes de faille, Instruments des ténèbres, Une adoration, L'empreinte de l'ange..)

Nancy Huston est née en 1953 : (extrait de wikipédia) : ...« J’ai vécu une adolescence assez sombre, et mes débuts dans l’âge adulte ont été compliqués. J’étais anorexique, suicidaire. Je pense que le fait de m’installer à l’étranger a reflété un instinct de survie. » indique-t-elle en 2012. À l'âge de vingt ans, elle arrive à Paris pour poursuivre ses études, puis décide de s'y installer.(...) Elle participe  au mouvement des femmes et publie dans des revues et journaux qui y sont liés, notamment Sorcières, Histoires d'Elles et les Cahiers du Grif. Elle reste toujours une militante des droits des femmes notamment dans ses écrits et par de fréquents articles de presse et tribunes. Elle déclare en 2012 : « J’ai commencé par des poésies à l’âge de 10 ans. Puis j’ai vraiment ressenti la magie de l’écriture en rédigeant mes premiers textes pour des revues liées au mouvement des femmes dans les années 1970-1975."

 

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